Renée Lahondes, « la Renée » comme tous les anciens Saints Jeannais ont coutume de l’appeler n’a quitté son village que pour se rendre périodiquement chez l’un ou l’autre de ses enfants. C’est dire si en 95 ans de vie au cœur de son Saint Jean, elle a pu accumuler des souvenirs. Surtout que Renée, a une mémoire infaillible sur tous les évènements de son village qui ont parsemé son quotidien. Dans le premier quart du siècle dernier, l’activité séricicole était encore importante dans le village. Les faïsses étaient couvertes de muriers, l’arbre d’or des Cévennes. Tous les grands mas possédaient d’importantes magnaneries. Le mas Evesque, à la sortie du village, la maison Servier, derrière la mairie, la maison Sihol, le mas Guiraud aux Miniers, le mas Borie au Cambonnet embauchaient du personnel pour ramasser « la feuille », celle des muriers, seule nourriture des vers à soie.
Quand les vers s’étaient « encabanés », c’est-à-dire qu’ils étaient montés dans les branches de bruyère pour faire leurs cocons, c’était le moment d’apporter la récolte à la filature. La filature de Saint Jean, propriété d’une famille Brahic, était au centre du village, derrière le dépôt Midi Libre actuel. Au rez de chaussée se trouvaient les chaudières qui chauffaient l’eau et fabriquaient la vapeur nécessaire à la rotation des bobines. C’était le domaine des hommes. A l’étage, une quarantaine de « bassines » remplies d’eau bouillante servaient à démêler les fils de soie déposés par cinq, six ou huit brins sur les bobines où ils s’enroulaient. Du lever au coucher du soleil, les doigts dans l’eau bouillantes, filles et femmes cherchaient le début du fil de chaque cocon avant de le déposer sur la bobine. Dans la chaleur moite des vapeurs malodorantes et le bruit des courroies d’entrainement des moulins, ce travail était pénible et mal payé. On travaillait pour « quelques sous ». A cette époque, une erreur, un retard dans la cadence, du fil gaspillé, entraînaient au moins une amende, sinon une mise à pied. On ne rigolait pas avec la discipline. Et pourtant, toute cette jeunesse chantait souvent tout en travaillant. La crise de la sériciculture, liée à la concurrence des soies venues d’Asie a mis fin à cette activité longtemps florissante dans nos vallées. La mine fournissait désormais suffisamment d’emplois pour que toute cette main d’œuvre trouve du travail et puisse continuer à vivre au pays.
(Jean-Marc Garnier – Correspondant de Saint Jean de Valériscle – Article paru dans Midi Libre le 19/02/2012)