Castagna, castagnié, castagnaïro, mais aussi bajanas, clède, afachada, brasucado, padelo, sartan, mais encore bouscasso, daoufinenco, figaretto, pélégrino, tous ces beaux mots de la langue cévenole sont maintenant désuets, presque oubliés. Et pourtant, le châtaignier, l’arbre à pain des Cévennes, a assuré la subsistance de nombreuses générations.
Il a accompagné les rudes paysans accrochés à leurs « faïsses » de la naissance à la mort. Son bois a constitué le berceau du nouveau né, puis la charpente et les meubles de sa maisonnée. Ses fruits l’ont fait grandir. Sa ramure a nourri ses chèvres et l’a protégé des fortes chaleurs de l’été. Son bois a réchauffé ses vieux os au cours des longues veillées d’hiver. Dans un dernier effort, il lui a même fourni les planches pour fabriquer son cercueil. Quelle reconnaissance lui reste-t-il ?
Maintenant les promeneurs ne lèvent plus la tête pour l’admirer, passionnés qu’ils sont de fouiller les feuilles à la recherche de champignons. La seule attention qu’on lui accorde, c’est à l’automne. Chacun vient ramasser quelques uns des fruits qu’il s’obstine à fournir encore généreusement, malgré l’absence de cet entretien bénéfique qu’on ne lui prodigue plus depuis longtemps.
Cependant, si ce n’est plus au coin de la cheminée ancestrale, il continue toujours à rassembler les amis autour d’un brasero où les châtaignes crépitent dans la flamme claire d’un feu de brindille. Et, si le « clinton » n’est plus de la partie, un petit coup de blanc réchauffe quand même les cœurs et les conversations.
(Jean-Marc Garnier – Correspondant de Saint Jean de Valériscle – Article paru dans Midi Libre le 19/11/2012)