L’éducation (on ne parle pas d’élevage) des magnans (les vers à soie) a fait la richesse des Cévennes pendant des siècles. Grand-mère achetait la « graine » (les oeufs) sur un « pétas » (morceau de tissu), elle la mettait dans un petit sac suspendu à son cou, pour la tenir au chaud. Quand ils étaient nés, elle les montait à la « magnanerie » (pièce qui occupait tout le dernier étage des mas) et les installait sur des claies.
En un mois, ces « lépidoptères », bien nourris avec en exclusivité des feuilles de mûrier, passent de 1 mm à 9 cm. Ils doivent muer 4 fois car la peau ne peut pas s’adapter à cette croissance exponentielle. Quand ils changent de peau, ils ne mangent plus pendant 24 h : Ils « duguent ». Après la dernière mue, la « grande frèze », ils se préparent. Ils cherchent un endroit propice au milieu des branches de bruyère (le brus) que le sériciculteur a installé en forme de cabane. Le ver tisse son cocon : 1000 à 1500 mètres d’un fil très fin et très solide. A l’intérieur du cocon, la chrysalide se forme puis devient papillon. Il faut donc « décoconner », (retirer les cocons) et les porter à la filature avant que le papillon ne sorte en détruisant le fil.
C’était le bon temps, disait grand mère. Mais les maladies et la concurrence des soies asiatiques ont eu raison de cette éducation.
Ainsi allaient les Cévennes, entre l’arbre d’or (le mûrier) et l’arbre à pain (le châtaignier). Mais les collines de nos vallées ne sont pas de tout repos. Les « faïsses » soutenues par des murettes, vous savez, « celles qui montent jusqu’au sommet de la colline » n’ont jamais été un jardin d’Eden. Il fallait avoir « l’âme bien née et noueuse comme un pied de vigne » pour survivre dans ces montagnes… « Ils ont quitté un à un le pays »… Bienheureux ceux qui ont su résister à l’appel des sirènes !
(Jean-Marc Garnier – Correspondant de Saint Jean de Valériscle – Article paru dans Midi Libre le 19/07/2014)